Harcèlement : sous influence ?
Depuis quelques années, on parle beaucoup du harcèlement : scolaire, sexuel, de rue, au travail etc. Peut-être as-tu déjà assisté à des situations de harcèlement ? On ne sait pas toujours comment réagir. Le harcèlement est rarement l’affaire d’une seule personne alors est-ce qu’on n’essaierait pas de comprendre ensemble ce qui se passe ?
Etre en groupe
Quel que soit ton âge, tu ne vis pas seul-e mais en groupe : ta famille, tes amis, tes collègues de travail, ceux qui parlent la même langue que toi, ceux qui partagent ton style vestimentaire, ton club de foot… Bref, tu as compris l’idée, à moins de vivre seul-e dans une forêt sans aucun autre contact que celui d’un arbre, tout est une question de groupe !
Tu l’as certainement remarqué, mais quand on grandit on ressent encore plus le besoin d’appartenir à un groupe. C’est une manière de se sentir reconnu, apprécié, exister mais aussi de ne pas être seul-e. Si le groupe que tu choisis est cool, tendance, populaire alors tu te dis que toi aussi tu vas être cool, tendance et populaire. Et pour t’intégrer au mieux et être aimé, tu vas un peu suivre les codes et les règles du groupe. A 15 ans comme à 70 ans, chacun va chercher un ou plusieurs clans dans lequel il se sentira à sa place
Mais le groupe a son propre fonctionnement et il peut même penser à ta place. Alors que se passe-t-il quand le groupe devient une arme contre quelqu’un ?
« Le groupe pense à ma place »
Le harcèlement, quel qu’il soit, est une histoire que l’on se raconte à plusieurs et qui appartient à tous ceux qui sont présents : harceleurs, victimes et témoins. Tiens, prenons l’exemple du harcèlement de rue. Il s’agit souvent de montrer aux autres – aux copains – à quel point on est forts et virils. On peut légitimement se poser la question « et si y’avait pas les copains ? ». Sur les réseaux sociaux, si personne ne lisait les commentaires (ou les tweets), on observerait beaucoup moins de cas de harcèlement. Le fait d’être observé par le groupe encourage ces comportements et c’est souvent l’escalade. C’est à celui ou celle qui aura le mot le plus piquant, et donc qui ira le plus loin.
Dans un groupe, « faire comme les autres » est souvent important. Quand tu appartiens à un groupe, tu as tout simplement tendance à te censurer au profit de ce que tu penses être l’opinion du groupe : « je ne suis pas d’accord avec l’acharnement de mes potes sur cette personne, mais je suis le mouvement car j’appartiens au groupe ». Est-ce que tu as déjà regardé la télé réalité ? (Allez, avoue, au moins une ou deux fois …). De plus en plus, il y a dans ces émissions des « boucs émissaires » contre lesquels se ligue l’ensemble du groupe. Alors, ça crie, ça se moque, ça fait rire et du coup ça donne de l’audience et du buzz. Mais ce n’est finalement rien d’autre qu’un exemple supplémentaire d’une situation de harcèlement que l’effet de groupe ou plus exactement de « meute » encourage et renforce. Le souci dans cet exemple est qu’il est télévisé, banalisé et rémunéré. Mais ça, c’est une autre histoire
« Tout le monde se tait »
Autre situation : t’es-tu déjà retrouvé.e face à un comportement agressif, dans le bus par exemple, en te disant « tiens mais pourquoi personne ne bouge ou n’intervient » ? Peut-être as-tu eu envie d’intervenir mais sans bien comprendre pourquoi, tu as simplement observé la scène ou bien continué ton chemin. Cela ne fait évidemment pas de toi une mauvaise personne, mais alors pourquoi cette absence de réaction ?
« On est plusieurs, quelqu’un d’autre va réagir » C’est ce qu’on peut appeler l’effet du témoin. Ton comportement est inhibé (empêché) par la simple présence d’autres personnes sur les lieux. Tu te sens moins responsable car la responsabilité est partagée avec d’autres personnes et tu te dis, souvent sans même t’en rendre compte, quelqu’un d’autre va le faire ? Et, tu l’as bien compris, comme tout le monde se dit ça, personne ne réagit. Le groupe, à ce moment précis, ne te permet pas de réagir comme tu le ferais peut-être si tu étais seul.e par exemple.
Dans ce contexte bien particulier, tu évalues aussi ton propre risque d’intervenir « je risque d’être agressé.e si j’interviens » et généralement tu penses aussi au fait que si tu te trompes, y’a quand même des gens qui te regardent. Imagine si jamais tu interviens et que la personne harcelée te balance un « oh mais c’est pour rire, détends-toi ». Pas cool, non ? Te sachant observé.e, il parait assez logique que tu veuilles éviter de paraitre ridicule en cas d’erreur.
Le groupe t’influence donc à ce moment précis. Cette influence n’est pas positive, mais bien souvent, il est très difficile de lutter contre. Car, finalement, c’est souvent le groupe qui gagne.
Alors ça ne veut évidemment pas dire que tout se passe toujours comme dans cet exemple. Et puis, en fonction de ton histoire personnelle, de ton humeur, du groupe dans lequel tu te trouves, les réactions peuvent varier.
Evidemment, l’idée n’est pas d’excuser le harcèlement mais juste de comprendre un peu mieux les phénomènes de groupe. Mais rassure toi, le groupe n’est pas tout-puissant. Si tu observes un banc de sardines de loin, tu as l’impression que c’est une masse uniforme qui se déplace. Mais à y regarder de plus près, tu verras certainement beaucoup de petits poissons aller à contrecourant et finalement changer la direction du groupe.
Si tu comprends mieux ce qui se passe, tu seras davantage capable de faire entendre ta voix. Et tu verras que généralement, d’autres voix te suivront !
Et pour en savoir plus, va voir l’article : comment faire pour que ça s’arrête ?