J’ai honte de mes parents

Marcher trente mètres en avant quand on se promène avec ses parents… Devenir rouge comme une étiquette de cola quand ils débarquent au lycée pour la réunion de parents d’élèves… Ça vous dit quelque chose ? Ça s’appelle la honte et quand on est ado, c’est souvent un sentiment très familier !

C’est quoi avoir honte ?

Avoir honte, c’est ressentir de la gêne, de l’humiliation. Avoir honte de ses parents, c’est éprouver un sentiment de gêne à cause de ce qu’ils font, de ce qu’ils sont (ou ne sont pas) ou de ce qu’ils représentent.
Cela peut arriver à tout âge, aussi bien à 5 ans qu’à 45 ans,  pour des raisons différentes. Mais à l’adolescence, c’est souvent particulièrement fréquent, particulièrement fort… et particulièrement normal !

A quels moments on peut avoir honte de ses parents ?

On a honte de ses parents quand ils nous accompagnent à l’école alors qu’on estime avoir passé l’âge, quand ils sont trop présents ou pas assez.

La moindre « particularité » est vite interprétée comme un défaut et devient source de honte :

• Ce Papa que l’on trouvait beau et élégant quand on était petit, tout à coup nous paraît moche et mal fringué !

• La voiture jaune de Maman, qu’on trouvait plutôt originale et rigolote, devient brusquement un machin vulgaire et tape à l’œil…

• Ils oublient la réunion de parents d’élèves ? Catastrophe, les voilà parents étourdis et inattentifs !

• Ils viennent à la réunion de parents d’élèves ? Cata aussi, ils en font trop et vont se donner en spectacle !

• On a une maman en fauteuil roulant et jusqu’à présent, ça ne nous avait jamais posé de problème, on la trouvait plutôt super forte. Voilà qu’on se sent super gêné d’avoir une mère « handicapée ».

Mal coiffés, mal habillés, trop petits, trop grands, trop riches, trop pauvres, trop pas drôles, trop clownesques, trop attentifs, pas assez… Tout y passe !

En fait on a honte d’eux quand, dans notre esprit, ils sont différents des autres parents, que cette différence se remarque ou qu’on croit qu’elle se remarque.

Cela peut être encore plus fort si le groupe dans lequel on évolue y voit aussi une anomalie et en fait un sujet de moquerie.
Et ce sentiment est doublement douloureux : il l’est par rapport au groupe dont on imagine le regard et il l’est vis-à-vis des parents, que malgré tout on aime et qu’on a l’impression de trahir en ayant honte d’eux. Il l’est aussi parce qu’il peut s’accompagner de colère à l’égard du parent qui se « donne en spectacle ». On a l’impression qu’il fait exprès alors qu’il devrait se rendre compte qu’il est complètement à côté de la plaque et se faire discret.

Bien sûr, les parents ne font pas « des trucs » pour coller la honte à leur progéniture. Ils sont simplement eux-mêmes, alors pourquoi changeraient-ils pour « faire plaisir » ?

Pourquoi est-ce qu’on a honte de nos parents ?

La honte est un sentiment lié au rapport aux autres et à l’image, à l’idée, à l’estime que l’on a de soi. La honte est toujours liée au regard ou au jugement des autres, réel ou imaginaire. Et à l’adolescence, ce regard est particulièrement important. D’abord parce que c’est une période de construction de soi, où on a besoin de ce regard des autres pour s’y appuyer, pour se repérer. Ce que les autres pensent de nous est tellement important que l’on a besoin qu’ils ne voient que le meilleur ; on a envie de renvoyer une bonne image. Parmi les « autres », le groupe de pairs (c’est-à-dire les autres « comme nous » – les copains, les autres ados) est particulièrement important. Et comme ce groupe peut être assez cruel, cela n’aide pas vraiment à prendre de la distance avec cette honte que l’on ressent. Cela peut même l’aggraver… Si tous les potes trouvent que la voiture jaune de Maman est vraiment trop naze, ça ne va pas aider à prendre du recul !

L’adolescence est aussi le moment d’une séparation en train de se faire mais pas encore faite, alors les « tares » supposées des parents sont un peu les nôtres. Les parents, avec qui on entretient des liens forts, viennent dire quelque chose de qui on est (de qui on sera peut-être) et qu’on n’a pas forcément envie de révéler. Par exemple, on peut avoir besoin de cacher que nos parents viennent d’un milieu social pauvre ou au contraire très aisé. Parce que ça vient dévoiler le fait que l’on est nous-mêmes dans cette situation et que cette situation n’est, à nos yeux, pas très glorieuse.
Quand on est ado, on prend aussi comme modèle, parfois inconsciemment (c’est-à-dire sans s’en rendre compte), certains traits de nos parents. On a peur alors de leur ressembler sur certains points et de subir des moqueries.

Que faire de cette honte ?

Nos parents ne sont pas parfaits, et nous non plus d’ailleurs ! Ils sont tels qu’ils se sont construits. Ce qui peut nous gêner chez eux fait partie de leur personnalité, de leur parcours, de leur vie, et il y a peu de chance pour que cela change. Mais nos parents et nous, ne sommes pas la même personne ! Finalement, on peut prendre une partie de ce qu’ils sont et de ce qu’ils nous transmettent, et en laisser une autre ; et ce qu’on prend, on le transforme, cela devient quelque chose qui nous est propre.
Par exemple, si on a un père mécanicien, qui nous fout la honte parce qu’il a toujours plein de cambouis sur les mains et qu’on trouve que ça fait crade, on ne pourra peut-être plus entendre le mot « moteur » sans avoir envie de casser des dents mais on pourra aussi, à l’inverse, en tirer un goût personnel pour les motos, les avions, la course automobile, la réparation de caméras…

Et quand on sera plus vieux, on se souviendra avec tendresse des mains noircies de son père et même de notre honte d’adolescent.