Le langage jeune
Si vous avez un peu étudié les œuvres de Molière (dramaturge du XVIIème siècle) vous vous souvenez sans doute du type de langage qui était utilisé à cette époque. En voici pour exemple un extrait de l’Avare (Acte II scène 3) :
LA FLÈCHE. – « Comment diantre voulez-vous qu’on fasse pour vous voler ? Êtes-vous un homme volable, quand vous renfermez toutes choses, et faites sentinelle jour et nuit ? ». Ou encore
HARPAGON. – « Je te le mets sur ta conscience au moins. Voilà un pendard de valet qui m’incommode fort ; et je ne me plais point à voir ce chien de boiteux-là ».
Le vocabulaire employé était bien différent de celui que nous utilisons aujourd’hui. On constate également depuis de nombreuses années que votre langage à vous, ados, est parfois bien éloigné de celui des adultes. En effet, à la différence des petits enfants qui utilisent un langage rudimentaire (et parfois drôle) parce qu’ils ne possèdent pas encore les compétences pour former des phrases complexes, vous, alors même que vous possédez le vocabulaire et la grammaire pour vous exprimer comme les adultes – employez souvent un langage qui vous est propre : « mon père va fortement me disputer si je vole cette voiture », dit par certains, pourrait donner « mon daron va m’exploser la tetê si j’choure c’te caisse ». Dans la première phrase comme dans la deuxième, on est bien loin de la langue de Molière !
Depuis des siècles la langue française évolue : elle s’enrichit, s’appauvrit, change. De nouveaux mots et de nouvelles tournures de phrases se créent au fil des années. Mais pourquoi un tel langage chez vous « les jeunes » ? A quoi ça sert ?
Le langage, la façon dont on s’exprime que ce soit par écrit ou par oral, c’est un peu comme la coiffure, le look, ça reflète qui on est et qui on veut être. C’est comme une sorte de code commun ou un rite de passage. Ça renvoie à une identité particulière : on se reconnaît et on se retrouve entre « gens pareils ». Parce qu’à l’adolescence être comme les autres c’est super important. Ça montre aussi qu’on n’est pas comme les parents, c’est comme se démarquer, se séparer d’eux. C’est également une façon de se protéger : on est entre nous, c’est ludique et puis c’est tellement excitant de ne pas être compris des adultes !
Ainsi alors que les adultes utilisent des mots tels que « je suis contente », « ça m’embête », « il est vraiment pénible »… vous n’allez pas hésiter à transformer, inventer, inverser des syllabes (le fameux verlan), adopter des tics de langage tels que « je suis TROP contente ! », « il est trop relou », « ça m’saoule », « j’la kiffe à mort », « quel boloss ! »
Avec l’avènement d’internet, du téléphone portable et donc des textos, le langage écrit a évolué de façon considérable, laissant essentiellement la place à des abréviations du type « tkt pas » (t’inquiète pas) ou « mdr-lol », « je t’M », « gspr » (j’espère) ou des onomatopées telles que « Aargh » « ppff », à une ponctuation ou des dessins préprogrammés type smiley illustrant alors l’émotion du moment etc.…
Mais finalement on s’aperçoit qu’adopter un langage singulier ça ne vous concerne pas que vous, les jeunes. Il existe des langages spécifiques un peu partout qui concernent les personnes âgées, des régions (pays basque), des métiers (informaticien) etc.… Ça permet de se reconnaître, ça traduit une identité particulière.