Le monde des odeurs
Parler des goûts et des couleurs est parfois agréable. On peut partager même si l'on n'est pas d'accord. En tous cas, on communique, on échange, on fait part de ses préférences, on compare ses opinions avec celles de ses camarades. Mais parler des odeurs - et non des parfums qui les camouflent et dont on peut aimer parler aussi -, là, c'est une autre histoire. En effet, parler d'odeurs est parfois délicat, mais cela devient un sujet tabou quand il s'agit des odeurs humaines.
Sentir bon, sentir mauvais : une façon adéquate de dire les choses
Chacun d'entre nous a une odeur. Mais cette odeur, si elle est perçue par les autres de manière similaire, n'est pas jugée par les autres de la même manière. Nous sommes plus ou moins sensibles aux odeurs, mais surtout, nous appartenons à des cultures, à des ethnies différentes qui ont à leur disposition des codes différents pour ... juger. Et c'est bien le problème ... En français, nous disons par exemple : « il sent bon » ou « il sent mauvais », or, quand nous disons cela nous utilisons un vocabulaire appartenant plutôt au domaine de la morale (le bon et le mauvais). Ne devrait-on pas plutôt dire : « il sent beau » et « il sent laid » ? Au moins, nous ne ferions qu'exprimer un jugement esthétique, un goût personnel, comme quand on parle d'un tableau ou d'une photographie en sortant d'une exposition. Notre langue ne le prévoit pas, allez savoir pourquoi ...
D'un sujet dont nous allons parler quand même
Ainsi, est-ce peut-être pour cette raison que nous avons du mal à nous exprimer sur ces fameuses odeurs humaines. Si nous exprimons un jugement esthétique à l'aide de vocabulaire appartenant à la morale, il est difficile de faire part de celui-ci et, qui plus est, pour l'autre, de l'accepter sereinement.
L'odeur ne peut donc rester neutre, en particulier quand des individus appartenant à des cultures différentes se côtoient. Indéniablement, en sentant l'odeur dégagée par le corps de l'autre, il est impossible de ne pas ressentir quelque chose, de ne pas juger l'autre à l'aune de son odeur (pas forcément négativement d'ailleurs). Les exemples de « clichés » sont très nombreux : ainsi, on dit que pour certains Japonais, l'Européen sent le beurre. Certains Américains trouvent une odeur de poisson à l'Asiatique. Certains Africains affirment que l'homme blanc sent le cadavre ...
Tabou exprimé : racisme évité et tolérance préservée
Oui, la nourriture, les coutumes et le système pileux déterminent l'odeur humaine. Oui, notre odeur est différente selon qu'on appartient à telle ethnie ou à telle culture. Oui les asiatiques ont une odeur, les européens en ont une autre, les africains encore une autre ... Oui, et alors ? Qu'est-ce que ça peut faire ? Il ne s'agit pas d'une mauvaise odeur due à une mauvaise hygiène et qui peut être supprimée en changeant quelques habitudes. Il s'agit d'une odeur émanant d'un être humain à respecter pour ce qu'il est en tant que tel.
Avant même de venir au monde, alors que tu n’étais qu’un fœtus, ton odorat avait déjà commencé à se développer. A ta naissance, quelques jours ont suffi pour que tu puisses reconnaître l’odeur de ta mère. L’odorat accompagne ta découverte du monde dès les tout premiers moments… mais va ensuite se développer différemment selon l’époque et le lieu où tu vis. Il a beau être une fonction de ton corps, un sens partagé par presque tous les humains, il n’est pas exactement le même chez tout le monde. Laisse-nous t’en dire plus…
Dis-moi ce que tu sens, je te dirai qui tu es
C’est dans ta vie au sein de ta famille que te parviennent les premières odeurs : celle de la lessive avec laquelle sont lavés tes vêtements, le parfum de tes parents, le fumet de ton plat préféré qui chauffe dans le four… Puis à l’école tu vas te familiariser avec l’odeur de la colle et des feutres, ou de vieilles chaussettes dans les vestiaires, les effluves du couloir qui mène à la cantine… A chaque nouvel environnement ses nouvelles odeurs.
Il faut aussi prendre en compte la culture dans laquelle tu vis. Nous n’avons pas tous les mêmes codes pour juger les odeurs : elles ne sont donc pas neutres. Si tu as grandi dans un pays où l’on consomme du curry à presque tous les repas, son odeur sera banale pour toi, alors qu’elle sera peut-être plus “exotique” pour quelqu’un qui y est moins habitué. De même, si tu aimes terminer ton dîner par une bonne tranche de camembert, dis-toi que pour certains, son odeur sera carrément répugnante. A chaque culture ses codes !
A mesure que tu grandis, tu vas ainsi apprendre progressivement que certaines choses sentent “bon”, d’autres “mauvais”, construire tes goûts, et te créer ton petit répertoire d’odeurs perso. Elles vont contribuer à ta découverte du monde et des autres… Peut-être que si tu aimes bien embrasser ton/ta chéri-e dans le cou, c’est un peu parce que tu aimes son odeur, non ?
Les odeurs artificielles
Les odeurs sont perçues différemment selon les lieux, les cultures, les personnes… mais aussi selon les époques ! Avec l’évolution du monde, les normes se modifient. On ne jette plus ses détritus directement par la fenêtre, on perce de grandes avenues aérées en ville, on se lave tous les jours…
On peut se réjouir que les choses aient évolué vers un monde plus propre et plus “sain”, mais en cherchant à supprimer les microbes et autres bactéries, on a agi aussi sur les odeurs. Et pas que sur les “mauvaises” !
En parallèle, de nouvelles odeurs se sont imposées, et pas forcément les plus sympas : en ville les gaz d’échappements et les parfums de synthèses sont partout. Tu le sais peut-être : les supermarchés, boulangerie, etc., aspergent leurs produits de parfums artificiels pour attirer les clients. Tu crois humer une bonne odeur de pâtisserie qui sort du four et tu ne sens en fait qu’un parfum artificiel…
Comme on a en plus tendance à faire la chasse à toutes les odeurs corporelles, bien souvent associées à la saleté et au manque d’hygiène… Il devient difficile de retrouver une odeur un peu “naturelle” au milieu de tout ça. Peut-être même que toi, tel un petit pain au chocolat, tu t’asperges copieusement de déo et de parfum tous les matins ;-)!
Redonner une place aux odeurs naturelles ?
Si nos nouveaux modes de vie laissent peu de place aux odeurs “naturelles”, il suffit parfois de quitter notre environnement habituel, à l’occasion d’un voyage dans un autre pays, ou simplement d’un petit détour à la campagne, pour s’apercevoir que ce n’est pas le cas partout.
Sans parler de voyage, peut-être que l’on peut aussi réapprendre à apprécier les odeurs, à leur prêter plus d’attention. Faire mijoter un petit plat quand tu en as le temps, faire pousser quelques plantes à ta fenêtre, t’offrir une balade en forêt de temps en temps… Tu découvriras peut-être que ton odorat est bien plus fin que tu ne le croyais !
Les fêtes de fin d’année approchent, n’es-tu pas impatient-e à l’idée de sentir à nouveau la bonne odeur du sapin, de humer le pain d’épice chaud ou les chocolats que tu vas déguster ? Se reconnecter aux odeurs, c’est aussi retrouver des sensations et des souvenirs agréables de ton enfance… ou en créer pour l’avenir. Redonnons une place aux odeurs !