Quelle est ma famille ? Où est ma place ?
En tant qu’enfant, que l’on soit adopté ou non, on s’est tous posé la question de ses origines. C’est tout à fait normal, il s’agit d’un sujet important qui fait partie des doutes et des fantasmes de chacun. A l’adolescence, cette question revient souvent en force. Pour certains, cela peut être une période difficile, on se cherche soi-même et on ne se sent pas toujours très bien dans sa peau… Certains ressentis peuvent être exacerbés lorsqu’on a été adopté. La question des origines se pose cette fois dans la réalité et elle prend souvent beaucoup de place et d’énergie. En quête de ses origines, on peut alors se mettre à douter de soi-même, de sa valeur et de sa place dans la famille ou dans la société et de sa capacité à avancer dans la vie…
Quelle est ma famille ?
Lorsque l’on est petit, on idéalise d’abord ses parents (« ma mère est la plus gentille » ou « mon père est le plus fort ») avant de réaliser que, malheureusement, ils ne sont pas parfaits. Pour remédier à cette situation, qui nous met mal à l’aise, on met parfois en action notre imaginaire et on se met à fantasmer à des parents idéaux (« ma vraie mère doit être une grande comédienne » ou « mon vrai père doit être un homme très riche, il m’achèterait sûrement tout ce que je voudrais… »). C’est ce que l’on appelle le roman familial. Lorsque l’on est en conflit avec ses parents, on s’invente ainsi une histoire et on s’imagine qu’il pourrait y avoir quelqu’un d’autre qui nous comprendrait mieux que nos parents. Presque tous les enfants, qu’ils soient adoptés ou non, passent par là. Or les enfants adoptés, eux, ils savent qu’ils ont d’autres parents quelque part dans le monde, leurs parents de naissance. Certains se mettent alors à idéaliser leurs parents de naissance et reprochent à leurs parents adoptifs de les avoir adoptés, sans qu’ils aient eu la possibilité de donner leur avis. D’autres peuvent au contraire, avoir le sentiment d’avoir été abandonnés par leurs parents de naissance et leur en veulent.
A l’adolescence, on continue souvent à questionner l’histoire de son adoption. On se pose des questions sur ses parents de naissance, on se demande ce qu’ils sont devenus, on peut avoir envie de les rencontrer, de leur montrer ce que l’on est devenu… On cherche à s’expliquer la raison pour laquelle on a été adopté et on s’imagine plein de scénarios relatifs à son abandon. On peut se sentir un peu perdu, seul et différent des autres, différents de ses copains qui eux, vivent avec leurs parents biologiques, différent de sa famille avec qui on ne partage pas la même histoire. Les sentiments se mélangent, comme la colère, la culpabilité, la tristesse, la peur ou encore un sentiment d’abandon…
Une double filiation
Toute personne s’inscrit dans une filiation. Le terme filiation désigne le lien générationnel qui unit un enfant à ses parents, et aussi les membres d’une même famille, les frères, les sœurs, les ancêtres et les descendants… L’adolescent adopté s’inscrit dans une double filiation, celle de sa famille d’origine et celle de sa famille adoptive. Quand on a été adopté, on doit donc accepter et apprendre à fonctionner avec ses deux identités, ses deux histoires. Certains peuvent avoir l’impression qu’il y a une partie de leur histoire qui a été coupée. Pour beaucoup d’ados adoptés, il est donc important que leurs parents adoptifs laissent une place à leur histoire personnelle, à la famille d’origine et à la différence, qu’ils acceptent que toute l’histoire n’ait pas commencé le jour où ils ont été adoptés mais avant…
Il arrive également que l’on se sente tiraillé entre ces deux liens de filiation. D’un côté, on a envie de savoir d’où on vient, de connaître son histoire, voire de partir à la recherche de ses parents de naissance. D’un autre côté, en abordant certains sujets, on peut avoir peur de la réaction de ses parents adoptifs, peur de leur faire de la peine avec nos questions… A cela s’ajoutent des sentiments parfois « ambivalents » (c’est-à-dire contradictoires) à leur égard : on les aime mais on a parfois le sentiment de les détester, on leur en veut parfois mais on se sent un peu coupable de leur en vouloir… On peut éprouver un besoin de mettre à mal sa famille, histoire peut-être de tester sa solidité. Cela peut également être une manière de réussir à prendre de l’autonomie, de se détacher de ses parents adoptifs pour se construire en tant que futur adulte. Or ce n’est pas toujours facile d’être en colère contre ses parents. On peut avoir peur, même à tort, que la colère détruise la relation avec sa famille adoptive, que le lien se rompt. Que l’on soit abandonné une nouvelle fois.
Où est ma place ?
Tous les enfants doutent un jour d’être aimés par les parents. C’est normal. Lorsqu’on a des frères et sœurs, ces doutes et questionnements sont parfois plus forts encore. On se compare avec ses frères et sœurs et on peut se sentir en compétition avec les autres face à l’amour et l’attention des parents. On se sent différent, on ne se reconnaît pas en eux, on ne se ressemble pas physiquement. Des tensions et de la jalousie existent malheureusement dans toutes les fratries. Dans toute famille, chacun des membres a ses particularités, et il est toujours possible d’avoir plus ou moins d’affinités avec l’un ou l’autre, et cela qu’il soit « biologique » ou « adopté ». Cependant, il ne faut pas oublier le côté positif ! Avec ses frères et sœurs, on va aussi partager plein de bons moments et surtout, on partagera toute une histoire de vie commune. Il est impossible d’empêcher les questionnements et les angoisses des uns et des autres, mais le fait de savoir que toute la fratrie a été désirée, qu’ils reçoivent tous la même éducation et vivent les mêmes expériences, tout cela peut permettre à chacun de se sentir rassuré et de trouver sa place dans la famille.
En parler
Quoi qu’il en soit, si on se sent mal, il est très important de pouvoir en parler avec ses parents, à sa famille, de s’autoriser à leur poser des questions sur l’histoire de son adoption, sur ses parents de naissance. C’est vrai qu’il est souvent difficile de leur parler de son adoption, de ses doutes ou de son mal être. Pourtant, ce sont vos parents, ils vous aiment et ils sont là pour vous rassurer. Ce sont ceux qui vous ont choisi, ils se sont engagés pour vous, et pour toute la vie. Alors ils peuvent comprendre ce que vous vivez et sont là aussi pour partager avec vous les moments difficiles. Vous pouvez également en parler avec d’autres jeunes qui partagent vos questionnements, sur notre forum ou dans des associations de jeunes adoptés, par exemple.
Pour en discuter sur le forum :
https://www.filsantejeunes.com/forum/amour-et-sexualite/adoption-t74766.html#p74766