Quelles stratégies pour se construire ?
Savoir d’où l’on vient pour savoir où l’on va, dit-on. Enfants et ados, vous avez besoin de vous confronter à votre histoire pour pouvoir vous construire. Or dans le contexte de l’adoption, il peut arriver que l’histoire contienne des questions qui restent sans réponses, des manques. Ces manques peuvent provoquer des émotions et des comportements très différents et très extrêmes chez les uns et chez les autres, mais chacun élabore ses propres stratégies pour tenter d’avancer. Il n’y en a pas de bonnes ou de mauvaises, il n’y a que de la légitimité à essayer de se construire.
Utiliser son imaginaire
Se construire sur « du vide » est une tâche difficile voire impossible. C’est comme construire un pont sans piliers sur lesquels le faire reposer. C’est pourquoi certains s’inventent, de façon plus ou moins consciente, une histoire, une famille, un parcours à partir des quelques éléments dont ils disposent. Ils peuvent garder cette histoire secrète et y avoir recours dans les moments plus délicats, ou au contraire la rendre publique afin de la faire accepter par les autres. Cette stratégie peut expliquer pourquoi certains ADOptés ne souhaitent pas rechercher leurs origines : ils ne voudraient pas voir l’histoire qu’ils se sont construite (souvent idéalisée) ne pas correspondre à la réalité. C’est un choix qu’il faut respecter.
S’identifier à des pairs
D’autres auront besoin de trouver des « pairs » (c’est-à-dire des gens qui partagent des points communs) auxquels s’identifier. Partager une histoire commune permet de se sentir moins seul et d’échanger sur ses ressentis. Ces pairs peuvent être rencontrés au sein d’associations, de groupes de paroles, mais aussi de façon beaucoup plus originale, dans la fiction. Qui se doute que Superman, Luke Skywalker, sa sœur Leia, et Moïse ont été adoptés ? Et pourtant c’est bien le cas. Malgré les épreuves qu’ils rencontrent (personnelles et pour la bonne cause), ils sont devenus des super-héros. Il ne s’agit pas de devenir un super-héros pour surmonter les questions de l’adoption, mais de se dire qu’une construction de soi est possible.
Rechercher ses origines
Vos parents adoptifs vous ont transmis ce qu’ils savaient, votre dossier est bien mince ou vous n’avez pas encore l’âge légal pour entreprendre vos recherches… qu’à cela ne tienne, Internet vous aidera. C’est ce que beaucoup pensent et pourtant Internet peut se révéler dévastateur. En temps normal, avoir accès à ses origines est un bouleversement. Tenter d’y avoir accès par soi-même via Internet et en particulier les réseaux sociaux, est réellement dangereux : sans être accompagné, sans être prêt, sans s’être posé les bonnes questions, sans avoir fini de se construire, sans se préparer à l’échec, les recherches sur Internet peuvent faire l’effet d’une bombe.
Faire le deuil des réponses qui ne viennent pas
C’est pourquoi il est important, à un moment donné, d’accepter l’idée qu’on n’obtiendra jamais les réponses tant attendues. Cette démarche peut s’apparenter à un deuil : faire le deuil des réponses, apprendre à ne plus les attendre, vivre avec ou plutôt vivre sans. Cette éventualité paraît souvent inenvisageable, inacceptable, mais rester figé dans l’attente des réponses risque de ne pas permettre à la vie de prendre place et à l’identité de se construire. Chacun est capable de « résilience » (terme proposé par le neuropsychiatre Boris Cyrulnik), c’est-à-dire de se remettre de ses traumatismes à partir du moment où il fait de bonnes rencontres (comme vos parents adoptifs par exemple) et accepte certains renoncements comme celui d’attendre des réponses qui ne viendront pas. Avec du temps et un accompagnement, l’adoption peut être vue comme une richesse personnelle qui fait un individu. Au final, vous êtes issu de vos parents biologiques, certes, mais aussi de vos parents adoptifs et également de ce que vous-même apportez à cette situation bien particulière.
Pour en discuter sur le forum :
https://www.filsantejeunes.com/forum/sante/adoption-t68178.html#p68178