Histoire(s) de poils
Les poils ont depuis longtemps posé question et sont le vestige de notre vie archaïque, du temps ou l'Homme préhistorique, qui vivait nu, possédait sa propre protection pour supporter le froid. Les poils ont rarement été un critère de beauté. Il n'y a qu'à voir les peintures des siècles derniers où les personnages sont représentés sans poils. La société moderne est en guerre contre lui et le « commerce du poil » est en pleine expansion.
Les exemples au cours de l'Histoire ne manquent pas pour montrer que la chasse aux poils est ancienne. Il semble que l'épilation soit d'origine égyptienne. En 1150 avant notre ère, les femmes du harem de Ramsés III étaient toutes épilées particulièrement au niveau des aisselles. Bien avant notre ère, les Chinoises s'arrachaient les sourcils pour les remplacer par un trait de crayon noir jugé plus gracieux. Les jeunes hommes de la bourgeoisie romaine aimaient avoir les jambes glabres, certains s'épilaient toutes les parties du corps. Les techniques en usage étaient la coquille de noix incandescente, pour que les poils repoussent plus doux ou l'utilisation de la résine. Ces techniques ont évolué au cours du temps et, au moyen âge, les croisés ont rapporté d'Afrique une cire naturelle qui bouleversa les pratiques et fit naître d'autres techniques. Les concoctions à base de sulfure naturel d'arsenic et de chaux vive, le sang de grenouilles ou de chauve-souris, la pince de bronze ou de la cendre mouillée de vinaigre font parti des moyens utilisés au cours de l'Histoire pour empêcher la repousse.
Mais pourquoi cette chasse au poils ? Protecteur et soyeux, il est vu comme indésirable et impudique. Il a le tort de nous renvoyer une image trop naturelle de notre corps. Certaines ethnies de l'extrême sud du continent américain n'en tolèrent aucun et s'épilent sourcils et pubis. Ce souci d'obtenir une peau glabre tendrait à leur permettre de se différencier des animaux, d'éviter toute confusion entre le corps humain et la bête.
Au cours du temps seuls les dieux étaient habilités, avec les rois, à porter une barbe. Le poil était considéré comme le symbole de la virilité. Si aujourd'hui se couper la barbe est devenu banal, ce petit geste ne fut pas toujours aussi anodin. Au Moyen-Âge, les vainqueurs coupaient la barbe aux vaincus pour les humilier et rendre leur défaite plus cruelle. En effet, enlever les poils, symboles de virilité, signifiait clairement que les vaincus, déshonorés, perdaient leur dignité d'homme et que l'on pouvait faire ce que l'on voulait d'eux.
Au début des années 70, les poils prennent une place plus « valorisante ». Le mouvement hyppie n'encourage pas l'épilation et revendique le retour aux valeurs vraies ! Le poil accompagne la libéralisation de la femme dans sa sexualité.
Depuis les années 90, l'épilation est à la mode. Qu'elle soit d'ordre religieux, esthétique, érotique ou hygiénique, l'épilation, pratique universelle, est devenue une coutume courante. Aujourd'hui, c'est l'épilation définitive qui représente la plus forte demande de la part des femmes, et aussi des hommes, qui sont de plus en plus demandeurs.
Des poils tout fins du duvet aux gros poils drus qui repoussent, en passant par les poils épais mais soyeux des aisselles et du sexe… Nous en sommes couverts ! La présence de nos poils est un héritage qui a traversé les âges depuis nos ancêtres, à un moment où leurs corps étaient couverts de poils, ce qui était bien utile ! Au fil des époques, ils ont été perçus et traités de manières diverses. Petite vue d’ensemble.
Poilu-es, mais pour quoi faire ?
C’est vrai ça, au fait, pourquoi tous ces poils ? Même si certains peuvent nous paraître inutiles aujourd’hui, les poils ont de nombreux rôles :
– ils nous protègent du froid et du chaud
– les cils et sourcils empêchent les poussières d’entrer dans nos yeux, de même que les poils des narines
– ils servent aussi à diffuser les phéromones sexuelles, qui sont surtout produites au niveau du pubis et des aisselles. Ces substances chimiques favoriseraient l’attirance qu’on peut ressentir envers une personne
– de manière plus générale, les poils maintiennent une hydratation constante de la peau et accentue les sensations du toucher.
Le poil au fil des âges
L’épilation est apparue très tôt dans la civilisation humaine : les premières traces d’outils créés par l’homme ayant pu servir à l’épilation remontent à la Préhistoire !
Elle était très courante dans l’Égypte antique, où les poils étaient associés aux animaux et, à l’inverse, l’épilation à la pureté. Les hommes et les femmes s’épilaient alors intégralement le corps, plus particulièrement les personnes de classe supérieure.
Dans la civilisation Gréco-romaine, l’épilation était toujours de mise pour les deux sexes et cette fois pour toutes les classes sociales ! Mais la chute de l’Empire Romain fait cesser cette mode : sous l’influence de la religion catholique, s’épiler devient un acte contre nature et s’opposant donc à la volonté de Dieu, au diable l’épilation !
Cette tendance va s’inverser avec les croisades où l’on redécouvre l’épilation chez les femmes orientales. Et hop ! retour en force de la pince à épiler et la cire chaude ! Durant la Renaissance, une nouvelle lubie apparaît : l’épilation jusqu’en haut du crâne chez les femmes nobles, voulant faire ressortir leur regard. Heureusement, cette idée passe vite à la trappe…
Au 20e siècle, les mœurs évoluent, entre les premiers congés payés et l’apparition du bikini, les poils disparaissent à mesure que les corps se dévoilent ! A poil mais sans un poil ?
De nos jours : des poils, où je veux, quand je veux !
Aujourd’hui, s’épiler ou se raser est devenu quelque chose de tout à fait banal. C’est plutôt l’inverse qui l’est moins, surtout chez les filles !
Pour prendre l’exemple de l’épilation du pubis, en France, d’après une étude IFOP de juin 2017, 75% des jeunes femmes s’épilent le maillot alors qu’après 25 ans, elles ne sont plus que 50% à le faire. A chaque génération sa coupe de poils. Je vous mets un triangle ou un ticket de métro ?
25% des femmes adaptent leur fourrure en fonction des saisons : quand vient l’été la chasse aux poils est ouverte. Eh oui, la question du regard d’autrui compte beaucoup et en particulier celui de nos partenaires !
Chez les hommes longtemps épargnés par les diktats de l’épilation, la question des poils se pose de plus en plus. Beaucoup considèrent un dos ou des épaules trop poilus comme un tue-l’amour… Les hommes sont de plus en plus nombreux à se raser le torse et les aisselles. A l’inverse, la barbe de trois jours soigneusement taillée fait un retour en force et on voit refleurir les barbiers. Des poils, mais pas n’importe lesquels.
Avec les épilateurs électriques, le laser et la lumière pulsée, l’épilation a de beaux jours devant elle, mais les poils auront-ils toujours une si mauvaise réputation ?
Qu’en pensent nos voisins ?
Quand on considère le poil à l’échelle du monde, des contrastes apparaissent. Si la plupart des pays occidentaux entretiennent un rapport similaire au nôtre, il existe certaines particularités dans le reste du monde.
– au Japon, les poils ont longtemps été censurés dans les media, et commencent seulement à y faire de discrètes apparitions
– en Inde, ils font partie de l’intimité et, pour cette raison, on ne les montre pas en public
– en Afrique Centrale, les femmes poilues sont traditionnellement considérées comme séduisantes, certaines essayent même de favoriser la pousse de leurs poils ! Le reste de l’Afrique est plus influencé par les tendances occidentales
– enfin, dans les pays où la religion musulmane prédomine, les poils sont associés à un manque d’hygiène. L’épilation intégrale d’ailleurs est un rituel traditionnel avant le mariage
On se rend compte que l’espèce humaine a toujours eu un rapport particulier aux poils : trop animal, pas assez hygiénique, pas assez sexy ou, au contraire, viril, sauvage et symbole de naturel… En tout cas, ces petits brins de kératine sont rarement laissés tranquilles !
Les normes en vigueur dans notre société influencent grandement la manière dont on les perçoit. Cependant, comme tu as pu le constater, elles varient selon les époques et les régions du monde. Au final, la vraie raison pour laquelle on les enlève ou pas ce serait pas… les autres ? Alors pourquoi ne pas s’écouter et en faire un choix personnel, « mon corps c’est mon corps » donc… mes poils sont mes poils !
Pour continuer à (se) cultiver les poils, voici une série de mini documentaires diffusés par la chaîne de télé Arte, qui pourraient t’intéresser : Poilorama.
Wtf !
wech trankille